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APRNEWS : Dis-moi si tu regardes TF1 ou France 2 et je te dirai qui tu es

APRNEWS - Dis-moi si tu regardes TF1 ou France 2 et je te dirai qui tu es
Lundi, 1 avril 2024

APRNEWS : Dis-moi si tu regardes TF1 ou France 2 et je te dirai qui tu es

APRNEWS - L'étude sémiométrique permet de dégager le profil psychologique des téléspectateurs. Ceux du «JT» de TF1 portent une affection particulière au mot «discipline», alors que ceux de France 2 préfèrent «morale», indique un sondage

La sémiométrie consiste à demander à des cobayes si certains mots leur paraissent agréables ou désagréables (lire ci-dessous). Elle permet de dégager leur profil psychologique. Depuis moins de deux ans, France Télévision use de cette technique pour mieux cerner ses téléspectateurs. En ce qui concerne le JT de France 2, ses fidèles sont des personnes relativement équilibrées, pragmatiques, amateurs de culture et de science. Les mots «morale» ou «élite» sonnent bien à leurs oreilles, tout comme ceux d'«étranger», de «théâtre», de «livre» ou d'«art». En revanche, elles rejettent le «mariage», le «commerce», la «rigidité» ou la «puissance».

Les téléspectateurs de la chaîne d'en face présentent un profil sensiblement différent. Les mots préférés des téléspectateurs du journal de 20 heures de TF1, d'après les études de la Sofres pour France Télévision, laissent entrevoir un public qui valorise le conflit, portant une affection particulière aux mots «discipline», «patrie», «soldat», «chasse», «tradition», «commerce». On ne croyait pas les journaux des deux chaînes si différents…

En 1993 déjà, Alain Le Diberder, à l'époque directeur de la recherche et des études à France Télévision, s'essayait, dans les Ecrits de l'image, à tirer des enseignements de ce tout récent outil. «Le public de France Télévision admire à la fois l'élite des créateurs et des chercheurs. Mais il cherche une télévision modeste, qui ait une âme et une morale. Ouvert à l'étranger, il cherche à consoler ses angoisses et ses doutes, notamment par la sublimation, au contact des arts, du livre, et d'une certaine poésie», écrivait-il en assemblant librement les mots préférés des téléspectateurs de France Télévision. De la même façon, il se livrait à une analyse du public de TF1: «TF1 respecte avant tout la propriété et la patrie. Elle a hérité d'une gloire et d'un honneur: produire la cérémonie de mariage de l'industrie et des héros à la mode. Avec discipline, elle demande à ses soldats-animateurs d'obéir, de combattre le désordre, les différences et l'ironie…»

La science a peu de place dans de telles interprétations. Qu'importe. France Télévision Publicité (FTP), la régie publicitaire des deux principales chaînes du service public, s'est entichée de cet instrument «qualitatif», qui va au-delà du sexe et de l'âge des téléspectateurs. «Deux ménagères de 50 ans ne se valent pas, explique Patrick Ballarin, directeur du marketing à FTP. Il y a une énorme différence entre celle qui achète de la lessive en poudre et celle qui préfère la lessive liquide. Grâce à cet outil, je sais donc si un programme a été regardé par des fonceuses, des novatrices, des conservatrices…»

L'utilisation de ces données peut être double. D'abord, elles peuvent convaincre les annonceurs dont les produits séduisent le même type de public que l'émission testée, de distiller leurs spots au moment le plus rentable. Quand on n'a pas de grosses parts de marché, mieux vaut mettre l'accent sur les qualités de son public… Ensuite, la sémiométrie permet de constater si une émission et un animateur correspondent à l'image de la chaîne et s'ils attirent le public visé. C'est promis: ni Bruno Masure ni Daniel Bilalian ne doivent cependant leur déboulonnage à cette arme marketing. D'ailleurs, les rédactions des chaînes semblent encore relativement ignorantes du procédé. Preuve qu'il n'a pas encore pris le pouvoir. A France 2, le médiateur entre la rédaction et les téléspectateurs, Didier Epelbaum, précise que «le courrier (reçu par la rédaction) est tellement massif que toutes les catégories socioprofessionnelles sont couvertes». Sauf que, dans ce cas précis, les catégories socioprofessionnelles sont transcendées.

Même son de cloche dubitatif du côté de TF1. «On ne peut pas faire une typologie de nos téléspectateurs, estime Robert Namias, le directeur de l'information de la Une, car, manifestement, ils sont beaucoup plus nombreux que ceux de France 2. Donc, si on a plus d'amateurs d'ordre sur TF1, on a aussi beaucoup plus de cadres, d'enseignants… Franchement, c'est de la gamberge que je ne prends pas au sérieux».»

©Libération