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APRNEWS : Elections au PDCI - Pourquoi tant d’intérêts pour une affaire interne ?

APRNEWS - Elections au PDCI - Pourquoi tant d’intérêts pour une affaire interne ? Par Jean Clotaire Tétiali
Vendredi, 8 décembre 2023

APRNEWS : Elections au PDCI - Pourquoi tant d’intérêts pour une affaire interne ?

APRNEWS - La presse ivoirienne, même celle du Pouvoir, s’intéresse mieux que quiconque, non sans émotion, à l’élection du président du parti démocratique de Côte d’ivoire. Autour de ce scrutin prévu pour se tenir le 16 décembre prochain, on a pu lire toutes sortes de pamphlets, d’analyses intéressées, de mises en gardes et de menaces d’une intervention judiciaire en vue d’une procédure d’empêchement. Qu’est-ce qui fait courir tout le monde?

APRNEWS - La possibilité d’une procédure de mise sous tutelle est frénétiquement brandie par les journalistes proches du pouvoir, comme si le PDCI avait montré des signes d’altération profonde et durable de ses capacités politiques et sociologiques. Intéressons-nous à la dernière sortie, sur un plateau de télévision, du journaliste Alain Toussaint. 

Deux à trois volets de ses interventions télévisées retiennent l’attention. L’ex-conseiller de Gbagbo s’est d’abord fendu d’un commentaire sur l’invalidation de la candidature de Guikahué : « le sort du PDCI et de son congrès est désormais entre les mains de Guikahué, qui peut saisir la justice… ».

On se croirait dans  une dramaturgie de l’improvisation, où les acteurs impréparés avaient le rôle de présenter Kakou Guikahué comme la victime d’une dynamique ethniciste. La théâtralisation était si mal habillée et grossière qu’Alain Toussaint suppliait pratiquement Guikahué d’ester en justice contre son éviction de la liste des candidats au fauteuil présidentiel du PDCI : « s’il renonce à entamer la démarche de saisir la justice, il serait quasiment un paria, un marginal au sein du PDCI ». 

Et voilà Alain Toussaint, au bout jeu d’un mal intégré, enfermé à son insu dans les dédales d’innombrables impressions et conjectures : « j’ai l’impression qu’il y a comme une obsession à la division au PDCI. On a connu l’ivoirité avec tout ce que cela a entrainé. On a l’impression qu’aujourd’hui il  y a un clan qui a décidé de prendre la suite d’un certain bloc de type ethnique au sein du PDCI. Depuis Houphouët, on le voit bien, ceux qui dirigent le PDCI sont tous quasiment de la même région…Regardez la liste des candidats, on sait d’où les trois sont originaires… ». Ici, visiblement, le courage a manqué à l’interviewé qui s’est subitement encombré de quelques scrupules et a évité de dire expressément que le PDCI est un parti baoulé, à l’image des candidats retenus.

 Il y a, en vérité dans cette affaire, comme une méconnaissance de l’histoire du PDCI. Historiquement le PDCI a incarné dans la durée une tradition politique, celle du nationalisme ivoirien et du développement dans la paix. Aux plus hautes fonctions de l’Etat, aux côtés d’Houphouët Boigny, se trouvaient plus de bétés, de dioulas et bien d’ethnies autres que baoulé. Ceux qui avaient même la charge la sécurité de son pouvoir étaient majoritairement des généraux issus de la région de l’ouest. Ceci était la manifestation d’un acte de foi et du désir de former une nation. Alain Toussaint a-t-il bien observé le RDR, puis le RHDP, le parti dont les stations de télévision l’accueillent ? 

La Côte d’ivoire est aujourd’hui à mille lieux de ces réalités-là. En outre, un petit effort d’analyse sociologique nous permettrait de comprendre l’adhésion massive des baoulés au PDCI. Tout simplement, un PDCI créé par un baoulé, est nécessairement géographiquement et idéologiquement plus proche des baoulés. J’en conviens, toutes ces marches sont des choses subtiles.

Le journaliste maison parle aussi d’ivoirité. Que recherche Alain Toussaint, en réchauffant volontairement un concept simplement sociologique, comme l’ivoirité, qui manifestement a été trahit et présenté comme un schème idéologique ? Toussaint veut-il conceptualiser une vision monolithique fantasmée, restrictive et ethno nationaliste de la citoyenneté ivoirienne à des fins politiciennes ? 

Tous ont fait de l’ivoirité un poison, un principe identitaire à géométrie variable manipulé par des hommes politiques opportunistes aux abois. Bref ! Pourquoi l’ivoirité serait-elle forcément le fruit d’un sectarisme étroit, ou l’expression d’une quelconque xénophobie. Pourquoi n’est-elle pas entendue comme la synthèse parfaite de notre histoire, comme l’affirmation d’une manière d’être originale ou un concept fédérateur de nos différences." Pourquoi ne peut-on la regarder comme la prise de conscience et un effort d’arrachement à nos déperditions culturelles quotidiennes ou comme une philosophie de vie ? Bref !

Aujourd’hui, tous les détracteurs du PDCI sont parvenus à leur fin, la justice ivoirienne ayant mis fin au contrôle judiciaire dont le Professeur Maurice Kakou était l’objet. Un timing, une semaine après l’invalidation de sa candidature, qui rend plus que plausible l’hypothèse d’une collusion entre Guikahué et le pouvoir. L’idée est renforcée par la déclaration de l’honorable Marius Konan, porte-parole du candidat, selon laquelle ‘’la demande de levée de la procédure judiciaire contre son le secrétaire exécutif en chef date du 16 octobre dernier’’. 

Une date qui laisse apparaitre que Guikahué et son équipe avaient bel et bien conscience que la poursuite judiciaire était un élément bloquant pour leur candidat. Alors, pourquoi laissent-ils dire que l’invalidation de sa candidature par le comité électoral est un complot. En tout état de cause, l’idée d’une collusion laisse gravée dans les esprits, l’image d’un Guikahué candidat du Pouvoir donc, potentiellement, ennemi secret du PDCI. C’est un professeur probablement affaibli du fait des derniers développements de sa situation judiciaire, qui affrontera un Tidjane Thiam très peu bavard   que déjà tous, quasiment, appellent à voter.

Jean Clotaire Tétiali