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APRNEWS : Opposition ivoirienne - Quel diagnostic pour quelle solution ?

APRNEWS - Opposition ivoirienne - Quel diagnostic pour quelle solution ? - Jean Clotaire Tétiali -
Lundi, 30 octobre 2023

APRNEWS : Opposition ivoirienne - Quel diagnostic pour quelle solution ?

APRNEWS - La démocratie est encore chantée aujourd’hui comme le discours rassembleur censé promouvoir la coexistence pacifique entre concitoyens divisés par les querelles idéologiques. Malheureusement, en Côte d’ivoire, son triomphe est davantage une apparence qu’une réalité. La démocratie est banalisée au point qu’elle ne constitue plus la garantie d’une alternance pacifique. Le pouvoir en agite le concept uniquement pour profiter de la légitimité qu’elle lui confère sans se soucier des exigences de sa pratique réelle.

APRNEWS - L’opposition est-elle la complice passive de cette réalité, ou une contributrice consciente, contre avantages matériels, à l’avènement d’une  telle situation ?

La faiblesse de nos pouvoirs d’opposition reste un problème majeur pour la démocratie.

L’opposition ivoirienne agonise énormément, depuis plusieurs années, à cause de cette incapacité à avoir des opposants visionnaires, plus pratiques et plus concrets. Les partis souffrent d’une impuissance à mobiliser, à se renouveler et à convaincre et n’arrivent plus à incarner leurs propres discours.  

Retenons l’exemple du FPI rénové : Affi Nguessan, critiquant « une opposition politique qui continue d’errer », a décidé de conclure une alliance avec le RHDP. Justifiant cette posture sans pertinence visible, l’homme mit en avant « son désir de dépasser les antagonismes du passé et s’engager à œuvrer conjointement dans le respect de la différence et de l’autonomie de chaque parti ». Certains membres de l’opposition qui y ont décelé une négation de soi et ont subodoré, à tort ou à raison, la recherche d’un intérêt quelconque auprès du pouvoir. En tout état de cause, le « FPI renovada » est aujourd’hui invisible.

Le PDCI, quant à lui, avait conclu une alliance avec le RDR. Ce dernier n’honora pas sa part d’obligation, alors qu’une clause de l’accord, selon Bédié, prévoyait l’occupation du fauteuil présidentiel par PDCI en 2020, grâce aux effets d’une « passe politique » que lui ferait le RDR.  Des querelles naquirent entre les alliés d’hier, qui favoriseront la naissance de courants contradictoires au sein du vieux parti : ‘’Sur les traces d’Houphouët’’ et « PDCI renaissance », des mouvements prétendument Pdcistes, mais qui n’étaient, en réalité, que les métastases d’un même corpus idéologique, le RDR. Et, comme s’il n’avait pas tiré les leçons de ses tiraillements internes, le PDCI est, à nouveau, confronté à la bataille de positionnement intérieure que se livrent ses membres. L’enjeu : l’élection du nouveau président du parti et celle du candidat à l’élection présidentielle de 2025. 

Les candidats potentiels rivalisent d’imagination et de stratégies pour étouffer toute velléité de candidature rivale. Selon des sources d’une crédibilité avérée, la candidature de Tidjane Thiam est fortement redoutée, tant au PDCI que dans le parti au pouvoir. Des débats sur les conditions statutaires de sa candidature s’enflammèrent et s’éteignirent aussitôt, confrontés à la preuve de sa présence effective au bureau politique du Parti Démocratique de Côte D’ivoire depuis 27 ans. En désespoir de cause, les adversaires du banquier ivoirien entendent y mêler la justice. Le plan consistera dans l’initiation d’une action judiciaire, nécessairement malveillante, contre la candidature de l’ex ministre ivoirien. Et, prévoient-ils, sur instruction du pouvoir, le tribunal d’Abidjan tranchera en faveur des demandeurs ou procèdera par reports successifs des audiences, jusqu’à l’approche de l’élection présidentielle de 2025. L’unique bénéficiaire en sera, bien sûr, le pouvoir qui, du fait de l’invalidation de la candidature de Thiam, évitera son adversaire le plus redouté. Le PDCI s’honorera surement d’avoir renforcé sa position d’éternel opposant. Une fois encore, au détriment de l’opposition.

Pour sa part, le PPA-CI, parti politique né de la guéguerre entre Affi et ses compagnons du FPI n’a pas échappé, lui non plus, à l’onde de choc de la division. Il peine à retrouver son dynamisme et es marques ancestrales. Dans un élan de réalisme politique, le PDCI et le PPACI avaient jeté les bases d’une alliance politique. Malheureusement, le défaut d’une vision commune réelle, les calculs de positionnement personnels et une mauvaise évaluation des enjeux  et surtout la cupidité de certains opposants eurent raison de cette volonté de rapprochement. A l’épreuve des récentes consultations municipales, l’attelage a manqué de synergie. Aujourd’hui, le défi pour le PPACI serait de trouver un homme du courage et de la finesse politique d’un Laurent Gbagbo affaibli par sept années d’incarcération et les poids de l’âge et de la maladie. L’opposition s’en trouve diminuée d’un combattant résilient, audacieux et intelligent.

Globalement, l’opposition ivoirienne s’accroche souvent sur les clivages inessentiel, incapable de se battre sur des choses fondamentales. De tout temps, sur toute la ligne, elle a manqué à son devoir : elle a refusé d’être une composante utile et nécessaire de la démocratie, notamment pour garantir que le gouvernement mène ses activités de manière transparente et responsable, dans l’intérêt du peuple. Son manque d’organisation et de cohérence, ses guerres fratricides ont étalé sa faiblesse. Le RHDP, de bonne guerre, en a tiré les conséquences, s’offrant  la carapace d’un parti-Etat et opérant comme s’il jouissait d’un « privilège du préalable » ou d’une  « prérogative de puissance publique » sur l’échiquier politique ivoirien. Naturellement, l’opposition, par sa propre faute, souffre de contraintes objectives, parmi lesquelles la nature autoritaire du système. Alors, quelle thérapie, face à tous ces déséquilibres ?

L’opposition doit plutôt réaliser désormais un travail unitaire et parler d’une même voix. Elle doit dissuader les individualismes et relever le défi de l’union sacrée de ses forces, pour favoriser l’émergence d’une classe politique structurée et forte autour d’un homme aux qualités exceptionnelles. Dans un contexte particulier aux exigences particulières, il est convenable voire quelquefois indispensable de renoncer à soi-même pour aller à la satisfaction de l’objectif commun.  

Jean Clotaire Tétiali