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APR NEWS : les contes picturaux du peintre tunisien Slimen Elkamel à Paris

Slimen Elkamel - Culture - Peinture
Lundi, 7 mars 2022

APR NEWS : les contes picturaux du peintre tunisien Slimen Elkamel à Paris

APRNEWS - L’artiste tunisien a choisi trois lieux : l’Institut du monde arabe, la galerie La La Lande et la galerie Nouchine Pahlevan

APRNEWS - La peinture poétique et onirique du Slimen Elkamel est désormais à portée du public parisien. 

Début février, quelques jours avant le vernissage de son exposition à l'Institut du monde arabe (IMA), l'artiste tunisien est arrivé avec une toile, une immense fresque XXL, roulée sous le bras, qui a trouvé sa place sur un grand pan de mur de l'IMA et qui s'affirme comme le point d'orgue d'une très belle exposition.


La peinture de Slimen Elkamel se nourrit des paysages de son enfance, ceux de Mezzouna, petite ville tunisienne dans la région de Sidi Bouzid, dans le centre du pays.© DR

La galerie La La Lande, qui représente Slimen Elkamel, a organisé ce « Parcours Slimen Elkamel à Paris » dans trois lieux parisiens : sa propre galerie, celle de Nouchine Pahlevan et à l'Institut du monde arabe, offrant ainsi au peintre sa première exposition muséale. « À cœur ouvert », à l'IMA, retrace le cheminement parcouru par l'artiste en 12 ans de création. Sa peinture se nourrit des paysages de son enfance, ceux de Mezzouna, petite ville tunisienne dans la région de Sidi Bouzid, dans le centre du pays.

Un ancrage local, un parcours international

Né en 1983, dès son plus jeune âge, il est baigné par les récits populaires où tradition du conte et poésie se côtoient. Il suit des études à l'Institut supérieur des beaux-arts de Tunis. Depuis 2011, Slimen Elkamel a participé à plusieurs expositions et foires d'art internationales : en Tunisie, en France, à Dubaï, au Sénégal, au Maroc, en Angleterre, etc. Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections, privées et institutionnelles. Et c'est à travers les prêts de différents collectionneurs que l'on peut découvrir l'évolution qui traverse ses toiles en même temps que ses questionnements : ses inquiétudes sur l'avenir après les printemps arabes, la dénonciation de la dictature, l'excès de la société de consommation, la relation entre l'individu et la société…


Les toiles de Slimen Elkamel se sont couvertes de symboles, de codes, de traces où apparaissent des personnages qui flottent.© DR

Du noir et blanc et au découpage en saynètes, sa peinture est passée progressivement à la couleur. Les toiles se sont couvertes de symboles, de codes, de traces où apparaissent des personnages qui flottent. Entre Miró et Chagall, Slimen Elkamel nous plonge dans des contes picturaux à imaginer.

Un travail de l'écriture à la peinture

Avant la toile, il y a le papier. Slimen Elkamel écrit des textes poétiques à propos de ce qui l'entoure, note ses réflexions, des conversations imaginaires, raconte des songes. « Enfant, j'ai rêvé de devenir conteur ou poète, et ce rêve m'a finalement habité, disparaissant de mon horizon pour s'inscrire au plus profond de moi », écrit Slimen Elkamel. À partir de cette pratique d'écriture extrêmement régulière, il nourrit son univers plastique. Le récit et l'image se mêlent, se répondent pour fusionner dans une démarche picturale unique. « L'interaction entre écriture et peinture engendre alors une œuvre colorée et foisonnante où les multiples références au réel n'empêchent pas l'éclosion d'un imaginaire démesuré », commente Ronan Grossiat, commissaire de l'exposition.

Des histoires pour enfants

« Je cherche toujours à expérimenter de nouvelles techniques. J'ai expérimenté les broderies, les dessins, les transferts sur papier. J'ai installé un dispositif de sérigraphie chez moi. Mais ce n'est pas la technique qui prédomine dans l'évolution de mon travail. La narration reste le facteur dominant de mon travail », explique-t-il. Depuis 2016, il introduit un mouvement répétitif de points qu'il considère aussi comme des éléments de la nature, une manière de passer de l'écriture à la peinture. Slimen Ekamel nous invite dans son monde où la couleur se diffuse dans de grandes toiles, les personnages se mêlent à la nature et aux animaux pour nous conter des histoires « comme celles que l'on raconte aux enfants, mais celles-ci ne sont pas pour nous endormir mais pour nous éveiller ». Éveiller notre conscience, voilà son propos.

Réalisme magique

La vraisemblance n'a pas lieu. Le réalisme devient magique et le regard se perd dans une œuvre où l'imaginaire prend le pouvoir. Sans construction classique, cadre, ligne de fuite, les personnages jouent leur partition, entourées de symboles, de codes et d'animaux. « Au début, c'était juste les animaux domestiques, l'âne, le chat, le chien. Ils participent à la narration, ils sont là comme des figurants ou des observateurs, en train de capter la scène qui est en train de se dérouler. […] Les animaux ont aussi leur propre narration », explique Slimen Elkamel.


Dans l'oeuvre de Slimen Elkamel, le réalisme devient magique et le regard se perd dans une œuvre où l’imaginaire prend le pouvoir.© DR

Humaniste, il place l'homme au centre de son questionnement, interroge les relations de l'homme et de la nature. Depuis 2020, il a entamé une série sur l'amour. « Le Covid a entraîné une distanciation sociale, une rupture au niveau de la communication. Dans cette série, je fais appel à l'amour pour qu'il soit présent partout dans tous les gestes de la vie quotidienne […] Nous devons remettre l'amour, de la meilleure des manières, au centre de nos préoccupations », insiste l'artiste.

Autour d'un tournesol

À la galerie La La Lande qui présente son travail le plus récent, on peut remarquer une grande toile jaune où les personnages tournent autour d'un tournesol. « Je suis enseignant à l'École des beaux-arts de Nabeul et c'est un clin d'œil à Vincent van Gogh. Je mets toujours des références dans mes peintures. Dans ce tableau, le tournesol fait avancer la narration qui tourne, comme la fleur, avec le soleil.


Chez Slimen Elkamel, l’espace pictural n’est pas un espace classique, il est déconstruit ou démultiplié. Il n’y a pas une seule histoire, une seule composition ou une narration linéaire.© DR

Il y a trois niveaux ou trois mondes qui se côtoient en même temps. En bas, on pourrait penser que c'est un reflet, mais cela n'est pas un reflet exact. L'espace pictural n'est pas un espace classique, il est déconstruit ou démultiplié. Il n'y a pas une seule histoire, une seule composition ou une narration linéaire. La narration peut partir dans différentes directions, de gauche à droite ou de droite à gauche. En fait, c'est comme si je mettais des ingrédients sur une table, à vous de composer votre histoire », s'amuse Slimen Elkamel.

Des témoignages qui accrochent

À l'occasion de ce « Parcours » autour de l'artiste, une monographie, « Pré-figuration : sur les sentiers de la peinture de Slimen Elkamel », a été publiée par l'éditeur Skira et La La Lande. À la fin de l'ouvrage, on découvre les témoignages de collectionneurs. « Ses tableaux pétillent de gens, d'animaux et de symboles. La couleur vibre et nous illumine. Des personnages sont perdus dans leurs pensées ou dans le mouvement de la vie à leur rencontre. Je ne me lasse pas de ses toiles où je découvre chaque jour une nouvelle couleur, harmonie et vibration », commente Florence Magne. « Le propre d'un artiste vrai : celui qui nous surprend et nous questionne longtemps après que la toile a été accrochée, et encore nous fait rêver », ajoute Rodolphe Blavy, collectionneur membre du Comité Afrique du Centre Pompidou. « Foisonnantes de détails, ses réalisations lumineuses et chatoyantes promettent une divine échappatoire, des instants de beauté suspendus, un récit, un souvenir », confie Jack Lang, président de l'IMA.

Source : Le Point Afrique