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Côte d'Ivoire : le Business de l'école ivoirienne

Djabiga Soro - École Ivoirienne - Éducation - Contributeur - Madou Sanogo - Abidjan - Côte d'Ivoire
Lundi, 13 septembre 2021

Côte d'Ivoire : le Business de l'école ivoirienne

Très cher Madou Sanago, Je te dis bonsoir, je viens à peine de rentrer de voyage, je me sens vraiment épuisé mais il fallait tout de même que je te fasse part d'un phénomène qui mine véritablement le bon fonctionnement de notre système éducatif; ce problème que j'ai nommé "le business de l'école ivoirienne"

Très Cher, figure-toi que notre système est gangrené par un mal qui le ronge depuis des décennies, et triste est de constater que les choses s’empirent au fur et à mesure que les années se succèdent. J’ai très peur, j'en suis inquiet, je m’interroge sur l’avenir de notre belle patrie.

C’est tout une chaîne bien moulée, depuis les premiers responsables jusqu’aux apprenants.

Le business de l’école ivoirienne, entends par là, l’ensemble des difficultés qui obstrue le bon fonctionnement de l’école ivoirienne.

Un sage chinois, il y a de cela plusieurs siècles, conseiller de son empereur, confia à ce dernier ceci : « Si vous voulez détruire un pays, inutile de lui faire une guerre sanglante qui pourrait durer des décennies et coûter cher en vies humaines. Il suffit de détruire son système d’éducation et d’y généraliser la corruption. Ensuite, il faut attendre vingt ans et vous aurez un pays constitué d’ignorants et dirigé par des voleurs. Il vous sera très facile de les vaincre. »

Les conséquences sont visibles, elles ne se limitent pas qu’aux élèves et étudiants, dois-je te rappeler que ce sont ces mêmes apprenants qui se retrouvent plus tard dans les hôpitaux, dans l’administration, l’armée, le privée et autres ? Le mal est profond mais il n’est pas incurable, il faut crever l’abcès ; nous irons l’attaquer depuis la source jusqu’aux différents démembrements de notre système éducatif.

Dans le souci de te faciliter la lecture j’irai crescendos.

J’aborderai de prime abord la situation des élèves du primaire, du collège et ensuite celle des instituteurs.

Tout commence par le primaire. Lorsque la base est ratée, c’est sûr qu’au collège ils peineront à suivre le rythme. Les statistiques ont montré que la majorité des élèves des CM ont des difficultés pour lire et former convenablement les lettres. Ceci dit, impossible pour eux d’apprendre les leçons et d'appliquer, comme il se doit, les règles de grammaire, conjugaison, orthographe mathématiques et j’en passe…

Il revient alors aux enseignants du premier cycle la lourde tâche de les aider à copier et lire en même temps, sans oublier qu’ils ont eux-mêmes une progression à respecter.

Une fois au collège les élèves font face à un nouveau fléau qui a envahi l’humanité toute entière, les réseaux sociaux :

Facebook, WhatsApp, Messenger, Instagram, Snapchat, je m’arrête là.

Des lors, au regard de cette nouvelle donne, une question devrait resurgir et animer les débats : quels modèles d’élèves face à l’avènement des réseaux sociaux ?

C’est face à cette problématique que nos autorités devraient songer à initier des réformes au niveau de l’éducation nationale.

Bien vrai qu’on s’évertue à organiser les états généraux de l’école ivoirienne, mais je crains que cela n’apporte les changements attendus. Bien au contraire, ce sont pour moi une de ces nombreuses activités budgétivores de plus.

Sinon, il faut une réforme profonde, que dis-je, une refonte de tout le système éducatif même si cela peut paraitre « herculesque » car c’est ce dont on a besoin aujourd’hui. Notre système éducatif, je salue au passage les efforts de la nouvelle ministre de l’éducation nationale MARIATOU KONÉ qui, depuis sa nomination à ce poste, n’a cessé de mener des actions en faveur du changement tant attendu.

Nous sommes tous responsable de cette situation, chacun à son niveau a sa part de responsabilité, les parents d’élèves ne sont pas exempts de reproches ; il faudra qu’on arrive à faire la différence entre l’éducation et la formation. Nous pouvons relever le défi, j’y crois, je suis même optimiste, les responsabilités doivent être situées.

 En ce qui concerne les instituteurs, beaucoup de choses restent à refaire, le constat est gênant.

Compte tenu de la situation socio-économique de notre pays, vu la rareté des opportunités d’emplois, les gens ne s’orientent plus vers l’enseignement par compétences ou encore par vocation, mais plutôt par nécessité, les recruteurs ne recrutent plus sur la base des compétences mais plutôt en fonction des affinités ou moyennant des millions.

Il est clair que quelqu’un qui paye tant d’argent pour intégrer le corps enseignant va chercher à le retirer par tous les moyens, quitte à brader le code d’éthique et de déontologie qui régit ce corps de métier noble dans sa quintessence .

Tenu par des obligations didactiques c’est-à-dire dispenser les cours puis évaluer, l’enseignant qui a payé pour être admis se prêtera plutôt au jeu de la corruption pendant les examens nationaux.

J’ai éclaté de rire pendant mes enquêtes lorsqu’on m’a parlé du ‘’mouton pédagogique'’.

Le mouton pédagogique est le mouton ou la somme qu’on donne aux inspecteurs de l’enseignement lorsqu’ils viennent dans les différentes localités de l’intérieur du pays pour évaluer le travail des enseignants.

En effet, ce mouton est offert pour que l’inspecteur soit moins regardant et plus indulgent quant à la qualité du travail , une manière d’acheter sa conscience.

Merci très cher… ton humble serviteur Djabiga Soro.