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APRNEWS - Science : Avancée majeure sur l'alzheimer

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Jeudi, 1 décembre 2022

APRNEWS - Science : Avancée majeure sur l'alzheimer

APRNEWS - Un nouveau médicament, le lecanemab, réduit de 27 % la progression de la maladie d’Alzheimer, ont annoncé dans le New England Journal of Medicine des chercheurs de l’Université Yale. L’annonce dominait mercredi les conversations d’une conférence sur l’alzheimer à San Francisco, à laquelle assistait Serge Gauthier, neurologue émérite de l’Université McGill. Son collègue généticien Judes Poirier estime qu’il s’agit de l’avancée la plus importante depuis 20 ans.

Quelle est l’importance des résultats sur le lecanemab ?

Judes Poirier (J.P.) : Le dernier médicament pour l’alzheimer a été approuvé il y a 20 ans. Et c’est la première fois qu’on voit un ralentissement de la progression. Les médicaments actuels, l’Aricept [donépézil] par exemple, sont des stimulateurs cognitifs.

Serge Gauthier (S.G.) : Il cible une protéine associée à l’alzheimer, les fibrilles amyloïdes, présentes dans le cerveau. Ça fait longtemps qu’on suit la piste amyloïde, c’est la première fois que ça marche. Il y a de l’espoir pour d’autres molécules visant aussi les protéines amyloïdes, notamment un nouvel essai avec l’alzheimer de la société montréalaise Biochem. Et j’espère que ça va convaincre les compagnies de cibler d’autres molécules d’inflammation du cerveau. Une présentation mardi soir sur l’impact du traitement, non incluse dans l’article, rapportait que la maladie est retardée de façon significative dans sa progression de troubles cognitifs légers vers une démence. Cela est très significatif !


PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE
Le DSerge Gauthier, directeur de l'unité de recherche sur la maladie d'alzheimer du Centre de recherche Douglas et professeur à l'Université McGill

Les États-Unis n’ont-ils pas approuvé l’an dernier l’aducanumab, un anticorps monoclonal, contre l’alzheimer ?

 

J.P. : C’est passé mystérieusement à la FDA [Food and Drug Administration des États-Unis], même si neuf des dix scientifiques du comité consultatif recommandaient le contraire. La plupart des compagnies d’assurance américaines et même le programme Medicare [assurance maladie publique destinée surtout aux aînés] ont décidé de ne pas payer. Il y avait une diminution des protéines amyloïdes, mais pas d’effet cognitif, contrairement au lecanemab.


PHOTO REJEAN POUDRETTE, ARCHIVES LA PRESSE
Le DJudes Poirier, directeur de l'unité de neurobiologie moléculaire au Centre de recherche Douglas et professeur à l'Université McGill

 

On a parlé de bémols pour le lecanemab…

J.P. : Il y a des AVC chez 15 % des patients, alors il faut examiner le cerveau par imagerie une fois par mois pour déceler un éventuel début d’AVC. Les gens qui ont le gène ApoE4, dont j’ai découvert l’association avec l’alzheimer, ont plus de risque d’AVC. Alors ils pourraient être exclus du traitement. Il faut aussi voir si le ralentissement de la progression dure plus que 18 mois.

S.G. : Il y a des rencontres au congrès pour clarifier si le niveau d’amélioration clinique compense les risques d’œdème cérébral et d’hémorragie cérébrale pendant les six premiers mois de traitement.

Est-ce que le coût du traitement est un obstacle ?

J.P. : Outre le coût du lecanemab, il faudra montrer la présence de fibrilles amyloïdes. Ça peut coûter entre 1000 $ et 5000 $. Et un scan cérébral chaque mois, c’est 800 à 900 $. Sans oublier que le lecanemab est administré par intraveineuse toutes les deux semaines. C’est un défi d’installer l’infrastructure au Québec avec la crise de notre système de santé.

N’y a-t-il pas des technologies détectant les protéines amyloïdes dans le sang ?

J.P. : Oui, nous faisons justement des tests pour montrer que les appareils de détection dans le sang sont aussi fiables que les PET scan [tomographie par émission de positons] et les ponctions lombaires. Ça pourrait être utilisé pour détecter des patients asymptomatiques et éviter que l’alzheimer apparaisse.

Le lecanemab pourrait-il être approuvé rapidement ?

S.G. : D’ici un an au Canada, à mon avis. Un groupe au Québec travaille déjà sur l’organisation des administrations intraveineuses. On pense que ça pourrait être des infirmières à domicile. Ça s’est fait pour un projet pilote de médication pour les jeunes.

Y a-t-il d’autres médicaments similaires en préparation ?

J.P. : On attend des résultats sur une autre molécule visant des protéines amyloïdes d’ici un ou deux mois. Mais on a eu des résultats négatifs pour une molécule similaire au début de novembre.

S.G. : Je pense que de mon vivant, je vais voir une amélioration importante du pronostic de l’alzheimer. Un éditorial paru mercredi dans le Journal of Prevention of Alzheimer’s Disease disait qu’avec le lecanemab, un tournant a été franchi.